Article et photo du Devoir. Lire l'article en ligne
Des refuges pour itinérants mixtes constatent la peur des femmes à leur arrivée et disent tout mettre en oeuvre pour les rassurer. Chez les responsables qui ont répondu au Devoir, on ne s’en cache pas : la sécurité des femmes est une préoccupation constante.
Pendant la pandémie, plusieurs ressources mixtes ont vu le jour dans des arénas, des hôtels ou des églises. Certains se résument à des lits de camp séparés par des planches de contreplaqué. Ces lieux disposent généralement d’une section réservée aux femmes près du bureau des intervenants ou de l’administration, là où il est possible d’assurer une surveillance accrue. D’autres refuges ont des chambres fermées, à des étages différents. Dans tous les cas, des intervenants ou des gardiens de sécurité font des rondes pour assurer la sécurité.
« Dès qu’elles arrivent, elles demandent où elles vont être pour s’assurer qu’elles vont être dans un endroit où elles se sentent en sécurité », explique Tania Charron, directrice de Ricochet, un refuge mixte d’Action Jeunesse de l’Ouest de l’île. « Elles le nomment [leur inconfort à être avec des hommes] à la seconde où elles arrivent. Et même lorsqu’elles ne le nomment pas, on le voit sur leur visage », renchérit le coordinateur clinique du refuge, Arly Ducatel.
À L’Aiguillage, une ressource mixte située en Montérégie, le directeur général, John Gladu, constate aussi que les femmes sont mal à l’aise à leur arrivée et qu’elles posent beaucoup de questions sur ce qui est mis en place pour assurer leur sécurité.
Il affirme avoir tout mis en place pour « rassurer les dames » qui se présentent à la ressource. Ici, les femmes sont installées dans des chambres à part, près des intervenants, dans une aile séparée des hommes par une porte verrouillée. Un dispositif signale les mouvements de la porte, ce qui permet aux intervenants d’être aux aguets lorsque celles-ci circulent dans les corridors. « Je peux vous dire que les hébergements en itinérance sont très sensibles à la situation des femmes », affirme John Gladu, qui s’estime chanceux d’avoir des infrastructures qui lui permettent de tels aménagements.
Créer des espaces sécurisants
À l’Hôtel-Dieu, ancien hôpital reconverti en centre d’hébergement pour personnes itinérantes, on affirme aussi prendre tous les moyens pour assurer la sécurité des femmes. Il y a des étages pour hommes, un étage réservé aux couples et un autre pour les femmes. Il n’y a pas de circulation entre les étages, et des rondes sont faites régulièrement pour s’assurer que chacun est dans son lit. « On n’a pas eu d’incidents de ce type qui nous ont été signalés », dit Marie-Pier Therrien, directrice des communications à la Mission Old Brewery.
Au Bunker, qui accueille à Montréal des jeunes de moins de 21 ans, on se dit être très sensible aux craintes que les gens peuvent avoir en raison notamment d’un parcours passé. Le fait d’être un petit refuge permet une intervention personnalisée, explique la directrice en prévention et programmes cliniques chez Dans la rue, Marie-Noëlle L’Espérance. Si on sait, par exemple, qu’une personne a eu un problème avec un autre résident, on va s’assurer de ne pas recevoir les deux personnes en même temps. Tout est mis en place — dans les limites du possible — pour créer « un espace sécurisant », dit-elle.
« On parle d’un “sentiment de sécurité” parce que, des fois, ce n’est pas la sécurité qui est mise en cause, mais il y a un sentiment d’insécurité qui peut s’installer, et il faut toujours le prendre en compte, ajoute Marie-Noëlle L’Espérance. La situation peut être vécue par quelqu’un d’une façon, et son émotion est valide. Donc si elle a peur, c’est valide. Et les intervenants vont s’adapter à la façon dont c’est ressenti. »